Recharge bidirectionnelle : évolutions positives sur deux marchés clés

La pleine exploitation de la recharge bidirectionnelle (BiDi) exige une législation adaptée. Elle suppose la mise en place, par les gouvernements et les autorités régulatrices, de nouveaux cadres juridiques qui abaissent les barrières à l’entrée de ce marché tout en encourageant les conducteurs et les fournisseurs d’énergie à adopter des systèmes bidirectionnels.
Ces mesures pourraient proposer des incitations financières pour l’installation de bornes de recharge bidirectionnelle, de nouveaux modèles de tarification et même des solutions de paiement direct pour l’énergie réinjectée dans le réseau. L’absence d’incitations risque de limiter l’attrait de ces systèmes pour les conducteurs et les fournisseurs d’énergie et de freiner ainsi leur adoption à grande échelle. Un cadre juridique bien pensé pourrait au contraire faciliter l’intégration harmonieuse des systèmes BiDi dans les infrastructures existantes afin d’exploiter pleinement leur potentiel pour améliorer la stabilité du réseau et promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables.
Cet article examine les options retenues par les deux grands marchés de la recharge bidirectionnelle que sont l’Europe et les États-Unis et propose quelques pistes pour favoriser son déploiement.
Comment la recharge bidirectionnelle peut-elle rendre le réseau plus vert ?
La recharge bidirectionnelle permet de transformer les véhicules électriques en unités de stockage mobiles, capables de fournir de l’énergie aux bâtiments ou au réseau. Ses principales formes sont le « vehicle-to-grid » (V2G), le « vehicle-to-home » (V2H) et le « vehicle-to-everything » (V2X). Le V2G, par exemple, peut contribuer à stabiliser le réseau électrique en lui fournissant de l’énergie lors des pics de demande. Il permet également de stocker l’énergie excédentaire qui serait perdue si elle n’était pas consommée. À plus petite échelle, la technologie V2H renforce l’indépendance énergétique des résidences équipées de systèmes photovoltaïques. Ainsi, la recharge bidirectionnelle peut intégrer les véhicules électriques aux réseaux d’énergie renouvelable et compenser en partie le caractère intermittent de l’énergie solaire et éolienne. Un système BiDi bien conçu peut optimiser l’utilisation de l’énergie, renforcer la résilience du réseau et offrir des avantages financiers aux propriétaires de véhicules électriques.
En savoir plus sur la recharge bidirectionnelle.
La législation européenne
La réglementation de l’UE évolue en faveur de la recharge bidirectionnelle à travers des initiatives comme « Ajustement à l’objectif 55 ». Ce paquet législatif a pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030. Il comprend des dispositions visant à améliorer l’intégration des énergies renouvelables dans les infrastructures de transport et propose d’utiliser la recharge bidirectionnelle pour équilibrer l’offre et la demande d’énergie.
Dans l’ensemble, les politiques de l’UE tendent à réduire les obstacles et à encourager son adoption. Les mesures prises à l’échelle nationale diffèrent toutefois d’un pays à l’autre.

En septembre 2023, l’Allemagne a, par exemple, mis en place de nouvelles subventions visant à alléger les coûts d’installation de systèmes de recharge bidirectionnelle et à promouvoir son adoption par les consommateurs. Certains obstacles liés notamment à la disponibilité de wallboxes compatibles et à la question de la double imposition subsistent toutefois. Dans certains cas, l’électricité réinjectée dans le réseau est taxée à la fois lorsqu’elle est prélevée et lorsqu’elle est restituée. Le gouvernement s’efforce de modifier la fiscalité allemande pour rendre la recharge BiDi financièrement plus intéressante, mais, les responsables politiques ne maîtrisent pas encore la question. Le récent accord de coalition se contente en effet de mentionner brièvement la recharge bidirectionnelle, sans entrer dans les détails.
Au Danemark, le projet Parker propose des mesures permettant d’intégrer les véhicules électriques dans le réseau d’énergie éolienne. Dans ce cadre, différents types de voitures électriques ont montré qu’ils étaient capables de soutenir le réseau lors des pics de production.
Aux Pays-Bas, l’initiative « Living Lab for Smart Charging » représente une avancée considérable. Ce projet, qui met l’accent sur les technologies bidirectionnelles et l’utilisation optimisée des énergies renouvelables, entend transformer le pays en un terrain d’essai pour la recharge intelligente.
Au Royaume-Uni, le projet pilote EV-elocity réunit plusieurs partenaires industriels et universitaires chargés d’étudier la technologie V2G dans divers contextes. Centré sur son utilisation privée et commerciale, il s’inscrit dans la droite ligne de l’objectif zéro émission nette du pays.
Politique et position des États-Unis
Aux États-Unis, le cadre juridique s’améliore grâce à diverses initiatives du gouvernement fédéral et des États. L’administration actuelle a proposé des normes pour la mise en place d’un réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques, envoyant ainsi un signal fort en faveur du déploiement de l’infrastructure et de la recharge bidirectionnelle.
Le communiqué de l’administration Biden-Harris présente les efforts mis en œuvre pour harmoniser les systèmes de recharge des véhicules électriques. La General Services Administration (GSA) pilote activement les innovations dans ce domaine. Cette initiative, menée conjointement avec le ministère de l’Énergie, témoigne de l’intérêt porté à l’étude du rôle que peut jouer la recharge bidirectionnelle dans l’infrastructure nationale destinée aux véhicules électriques.
Les orientations du programme NEVI (National Electric Vehicle Infrastructure) relatives à l’utilisation des fonds fédéraux pour l’infrastructure de recharge pourraient comprendre une réglementation spécifique à la recharge bidirectionnelle. L’accent mis sur les actions fédérales coordonnées, telles que la création d’un bureau conjoint de l’énergie et des transports, témoigne du soutien croissant dont bénéficie ce type de solution.
La Californie a ouvert la voie en publiant un projet de loi rendant la recharge bidirectionnelle obligatoire pour tous les véhicules électriques à partir de 2027. Ce texte a déclenché le lancement d’une étude approfondie. Un groupe de travail composé d’acteurs du secteur examinera les coûts, les avantages et l’interopérabilité des systèmes de recharge bidirectionnelle.
Il devrait remettre son rapport en janvier 2025. Soutenu par le Climate Center et plus de 60 organisations environnementales, le projet de loi vise à utiliser les huit millions de voitures électriques qui devraient circuler sur les routes californiennes d’ici à 2030 pour stocker et distribuer de l’électricité. Une telle mesure permettrait de consolider le réseau d’énergie renouvelable de l’État.

Si elle est adoptée, cette loi obligera les constructeurs à intégrer la technologie V2G dans leurs véhicules. La Nissan Leaf est actuellement la seule voiture entièrement compatible avec le V2G disponible aux États-Unis. Le projet de loi californien s’accompagne d’autres initiatives ambitieuses relatives aux véhicules propres, telles que la réglementation « Advanced Clean Fleets ».
Avec ces mesures, la Californie confirme son rôle de précurseur en matière de politique environnementale et d’intégration des véhicules électriques. La Californie étant l’un des plus grands marchés automobiles du monde, ses lois ont souvent des répercussions sur l’ensemble du marché américain, dont les évolutions affectent à leur tour les constructeurs automobiles du monde entier.
Recommandations pour l’infrastructure de recharge
L’association de l’industrie automobile allemande (VDA) a publié un document d’orientation sur l’avenir de l’infrastructure de recharge en Allemagne et en Europe. Ce document explique comment la recharge bidirectionnelle pourrait alléger la pression sur le réseau. La VDA préconise la création d’un cadre juridique facilitant le déploiement de cette technologie. Elle suggère la mise en place d’une tarification dynamique et une définition indépendante du « stockage mobile » permettant de réglementer son utilisation.
Elle propose par ailleurs d’utiliser la recharge bidirectionnelle pour équilibrer les pics de production de l’énergie renouvelable et améliorer ainsi l’efficacité des réseaux. Compte tenu du poids de l’Allemagne dans les secteurs de l’automobile et de l’énergie, ces orientations pourraient servir de modèle aux autres pays qui s’intéressent à la technologie bidirectionnelle.
Le déploiement de la recharge bidirectionnelle à l’échelle mondiale exige une coopération étroite entre les divers acteurs ainsi que des normes internationales. Les mesures prises aux niveaux local et national peuvent avoir un effet catalyseur.
Cependant, pour exploiter pleinement le potentiel de cette technologie, il est indispensable de définir des normes communes pour les constructeurs automobiles, les fournisseurs d’énergie et les gouvernements.
Cette harmonisation internationale garantira une meilleure expérience utilisateur et encouragera les investissements dans ce secteur. Face aux enjeux liés à la demande d’énergies renouvelables et à la stabilité des réseaux, la mise en place de normes mondiales pour la recharge bidirectionnelle pourrait contribuer à harmoniser l’utilisation de l’énergie et accélérer la transition vers des installations électriques et des transports plus respectueux de l’environnement.

Perspectives : vers une utilisation à grande échelle de la recharge bidirectionnelle
Il semble que les politiques européenne et américaine évoluent en faveur de la recharge bidirectionnelle. Les initiatives de l’UE et des pays européens comme celles du gouvernement fédéral et des États américains, la Californie en tête, créent un environnement plus favorable au déploiement de cette technologie.
Pour qu’elle soit largement acceptée, il est toutefois indispensable que ces règles dégagent des avantages réels pour les conducteurs et garantissent la compatibilité des technologies au-delà des frontières. Les règles européennes doivent veiller à faciliter la flexibilité énergétique. Autrement dit, il doit être possible d’injecter l’énergie solaire produite en Allemagne dans le réseau français, par exemple. Aux États-Unis, il est tout aussi important d’assurer une telle fonctionnalité entre les États. Les législateurs devraient envisager des avantages financiers, tels que subventions, crédits d’impôt et remises, pour favoriser l’utilisation de la recharge bidirectionnelle. Une telle approche assurerait une intégration transparente, tout en améliorant la fonctionnalité et l’attrait de cette technologie.
Une concertation mondiale sur la mise en place d’incitations fiscales et la définition de normes internationales est cependant indispensable, sans quoi il sera difficile d’exploiter pleinement son potentiel. Une telle coopération permettrait de déployer la recharge bidirectionnelle à grande échelle et de renforcer ainsi la durabilité et la résilience des réseaux énergétiques.